Nous vivons en France et dans le monde, une crise sanitaire inédite : afin de faire face au Covid19 nous nous sommes confinés. Dans ce cadre, j’ai été amenée à fermer le cabinet et à proposer des séances à distance… séances à distance ? Pour une pratique de la psychothérapie qui passe – en analyse psycho-organique – par le corps !!! Comment poursuivre un processus de travail en étant privé d’une partie de nos sens ? La visio est moins précise que la vue, l’audio parfois entre-coupée, les corps ne sont pas en présence : quelles informations passent ? Le factuel, l’audible oui, mais qu’en est-il de l’information sensible voire subtile ? Et les émotions ?

C’est donc avec toutes mes questions que j’ai mis en place cette possibilité de poursuivre le travail par des téléconsultations. Cette proposition s’est vue accueillie singulièrement par chacun.e allant de la préférence à suspendre les rendez-vous durant le temps de confinement, à l’évidente nécessité de garder le suivi avec la même régularité voire une fréquence accrue : « la maladie psychique ne s’arrête pas » me confiera une personne demandant à poursuivre son suivi dès le début du confinement.

Après des semaines de pratique, le doute disparaît au bénéfice d’un bel étonnement : les séances se poursuivent et elles sont riches et fructueuses. La téléconsultation se fait aussi en profondeur, les émotions circulent, s’expriment, le travail avec les images se réalise comme lorsque nous sommes en présence… Bref, le corps est là ! Le changement de cadre qui permet de rester chez soi a parfois laissé venir des thèmes plus intimes et/ou des thèmes jusque là tus : un nouveau monde à explorer s’ouvre.

Cette proposition de poursuivre le travail à distance est nécessaire d’autant qu’une pandémie est anxiogène. Le coronavirus nous touchent tous psychiquement et nous renvoie de manière plus ou moins intense à nos difficultés faites de nos histoires personnelles (angoisse de la maladie, de la mort pour soi-même ou pour ses proches, tendance à la claustrophobie / agoraphobie), histoires héritées – transgénérationnelles (évènements non-dits et inconsciemment transmis) et histoires collectives (comme le terrorisme par exemple). Ainsi l’évènement extérieur, nous met en travail intérieur et nous « offre » de grandir, pour peu que nous puissions nous en saisir. Les retours des personnes qui ont poursuivi les séances sont convaincants :

– « J’ai le sentiment d’avoir autant avancé en séances à distance qu’avec des séances à votre cabinet »,

– « l’effet est le même à distance qu’en présence et il dure plus longtemps après car je reste chez moi. C’était nécessaire pour moi de continuer mon travail pendant ce confinement. »

– « Oui, c’est pas mal » dira une personne après sa première téléconsultation pendant laquelle un souvenir d’enfance a émergé !

Les couples ont plus volontiers suspendu leurs séances durant le confinement, imaginant souvent mal comment une téléconsultation pourrait être aussi riche qu’en présence. Lorsqu’ils en ont senti la nécessité, les séances par téléphone ou visioconférence se sont révélées tout aussi profondes, générant soulagement, sens et de possibles transformations.

Ainsi je remercie tout.es celles et ceux qui m’ont fait confiance durant cette période et qui m’ont permis d’étendre ma pratique. De cette expérience je garde cette possibilité de la téléconsultation. Ainsi je reçois actuellement tout autant à distance qu’en présence… pour certain.es de manière alternée. J’invente avec chacun.e un nouveau cadre de travail, nous nous ajustons… c’est ça aussi la psychothérapie !