Pourquoi dans son livre « Vérités et mensonges de nos émotions » Serge Tisseron va à l’encontre des idées reçues actuelles sur les émotions ?
Serge Tisseron nous alerte à juste titre en nous invitant à ne pas faire une confiance aveugle à nos émotions. C’est tout le travail que nous réalisons en psychothérapie : ressentir la complexité qui est en nous et ne pas « résumer » notre expérience à 2 ou 3 émotions (colère, tristesse et frustration par exemple). Notre sensibilité est bien plus subtile que cela et si nous le souhaitons, nous affinons nos perceptions / nos ressentis et laissons émerger par exemple : ce qui a plu dans cet évènement déplaisant, ou encore, ce qui déplaît chez cette personne que j’aime, etc. Au fil de cette relecture, notre monde intérieur déploie sa richesse et nous offre de mieux vivre avec nous-même.
Notre capacité à identifier nos émotions parle de la capacité de nos proches ainsi que de l’écoute et de l’empathie qu’ils ont eu pour nous-même, en particulier dans notre enfance. Nous sommes susceptibles de reprendre cet apprentissage quand bon nous semble, avec la/les personnes de notre choix (ami, amoureux, psychothérapeute). Quelles sont les émotions que je ressens ? Celles que je ne ressens pas ou moins ? Pourquoi ?
– Certaines ont-elles été prescrites ? Nous offrons alors une réaction de façade par loyauté familiale. Que se cache-t-il derrière ? Quelle est l’émotion que je ressens au fond – de moi à moi ?
– D’autres émotions ont-elles été proscrites ? Par exemple quand certains transmettent : « les hommes ne pleurent pas » – interdisant aux garçons de vivre leur tristesse et les amputant d’une partie d’eux-mêmes ?
– Mais aussi au-delà de l’exploration des évènements de notre vie, explorer l’environnement familial et les lignées de nos ancêtres est l’occasion de leur rendre ce qu’ils nous ont inconsciemment transmis et qui nous encombre. Leur rendre leurs croyances : quand un enfant (de 40 ans !) peut rendre symboliquement en séance à son parent que « la vie c’est de la merde ! », je peux vous affirmer que son horizon s’ouvre et s’éclaircit !
– Pour finir, au-delà des croyances, il est des traumas refoulés qui n’ont pas pu se dire dans les familles. Ces « fantômes » traversent les générations et viennent comme polluer la vie émotionnelle et affective d’un ou plusieurs descendants. Les identifier, lever le voile de ces évènements indicibles et les « parler », remet du mouvement et de la vie là où tout était figé.
Partir à la quête de ses émotions est un travail à part entière. Un travail qui nous permet peu à peu de nous connaître, nous approprier nos ressentis, nous faire confiance ainsi qu’à nos émotions – après avoir fait « un tri ». Ce processus nous libère, nous donne à vivre une clarté intérieure et nous permet de nous approcher de notre profonde spontanéité.